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Rendre l’horreur sous forme d’art, ce n’est pas abolir l’horreur ni la sublimer en art. 

C’est avec  la  plus grande intensité les tenir en face l’un de l’autre.

– Frédéric Worms

LES MOTS ÉTAIENT DES LOUPS

spectacle de prévention de la pédocriminalité

Certains êtres humains sont construits de telle manière qu’ils aiment et désirent sexuellement les enfants.

Comme les loups des contes de fées, il font la terreur des familles, et on recommande aux enfants de s’en méfier. Or certains se font croquer et disparaissent à jamais de leur propre existence, d’autres deviennent des héros du quotidien et arpentent un long chemin de solitude et de reconstruction.

Les victimes ont en commun le silence, la honte et la souffrance.

Les perspectives se renversent et se confondent. Certains êtres humains sont construits de telle manière qu’ils aiment et désirent les enfants… parfois à cause d’une initiation sexuelle précoce, déplacée, subie et dévastatrice.

Cependant, dans le plus grand secret et la solitude, bon nombre de loups ne passent pas à l’acte : leur vie ressemble à une fragile construction de verre qui peut se briser à chaque instant. Et parmi ceux qui passent à l’acte, beaucoup réclament de l’aide.

Les pédophiles ont en commun le silence, la honte et la souffrance.

note d'intention

Sur scène du sable. Celui des jeux d’enfants et des châteaux.

Celui, mouvant, des marécages.

La poésie et la musique de Bach, comme un pansement, comme l’inverse du silence, qui laissent place à ce que les mots ont tant de mal à formuler.

Déchirure du silence, rupture de l’ordre des choses, écho de toutes les autres déchirures, tissulaires, psychiques, identitaires.

Une bande-son nous délivre la parole d’hommes pédophiles - nous n’avons pas trouvé de témoignages de femmes - tandis que les actrices viennent dire en creux les blessures des victimes.

Et parfois c’est l’inverse.

Le dispositif bifrontal répond à celui des cercles, des intervalles de parole, où agresseurs et victimes se rencontrent, s’écoutent et dialoguent.

Nous sommes à l’intérieur de la sphère, entre humains, hors jugement.

Nous sommes au bord de l’innommable et de l’indifférencié, à l’endroit où il s’agit de reconnaitre en chacun de nous « le dragon dans la brume ».

Il convient de distinguer entre la pédophilie qui désigne une attirance affective et sexuelle immature d’adultes envers des enfants et la pédocriminalité qui est le passage à l’acte, la mise en oeuvre d’une sexualité d’adulte avec des enfants, qui deviennent victimes de viol.

Le champ qui est le nôtre ici est celui qui concerne les pédophiles abstinents, qui par conséquent tentent par tous les moyens de ne pas passer à l’acte, et la manière dont la société interagit avec eux.

L’enjeu du spectacle est de créer des conditions pour que chacun, sur scène comme hors-scène, soit en situation de s’éprouver humainement, acceptant pour un temps de ne pas se situer - voire de se désarmer - moralement, intellectuellement, psychiquement, affectivement.

Les comédiennes n’incarnent pas de rôles, elles sont traversées à tous moments par des états qui disent la détresse et la sidération et un chemin s’invente, par la confrontation scénique entre les témoignages réels enregistrés qui renvoient à la violence primordiale, à la violence des pulsions, et une forme de plénitude poétique, musicale, de l’ordre de l’amour.

Il s’agit de reconnaître en soi-même la co-existence et la superposition de ces différentes sphères. C’est précisément cette dialectique qui peut induire une prise de conscience et un non-passage à l’acte chez les pédophiles, lorsqu’ils réalisent que l’autre - l’enfant qu’ils aiment - n’est pas un prolongement d’eux-mêmes. L’état d’indifférenciation dans lequel nous transporte l’amour peut être un piège ; croire à une réciprocité qui n’existe pas, devient ici tragique et dévastateur.

Cet attachement extrêmement troublant et perturbant nous interroge en profondeur sur la nature même de l’amour, ses fictions, ses illusions, ses idéaux, ses fantasmes, ses interdits, ses négociations, ses obsessions.

Le recours au langage poétique nous déplace, nous entraine dans un autre niveau d’entendement, clé de voûte de la déconstruction du jugement, pour faire face à ce qui nous échappe, au risque du vertige.

Patricia

Magnifique travail qui permet de regarder le douloureux problème en face dans une écoute objective et créative. Une ode à la parole

sur un des sujets les plus tabous qui soit. Bravo à toute l’équipe, pour avoir osé, pour nous accompagner ensuite dans l’échange et nous

permettre d’imaginer d’autres issues que le seul jugement qui ne règle rien au problème.

Allez messieurs et mesdames qui programmez des spectacles ! Si vous voulez je peux vous parler. Ce spectacle-là a quelque chose de

nécessaire et de juste, quelque chose de «c’est le moment», «parlons-en»... ouvrons nos esprits, cessons de nous voiler la face...

Claire 

Les Mots étaient des loups fait vivre une expérience intense au spectateur en traitant d’un sujet difficile avec beaucoup de force, d’intelligence et de délicatesse. La violence n’est pas pour autant évacuée, au contraire, elle est présente dans le jeu des comédiennes, dans les mots et les silences, mais elle n’a pas pour effet de choquer, de mettre à distance. Il s’agit plutôt de permettre au spectateur de mieux percevoir les choses.

(...) On entend les souffrances des victimes, on entend aussi les paroles des pédophiles, et chaque parole apporte un éclairage particulier. Les comédiennes se transforment, elles sont tour à tour victimes et auteurs de violences, elles peuvent être les deux à la fois.

Le spectateur est donc forcément impliqué. Il est amené non pas à s’identifier à quelqu’un, mais à retrouver dans la parole de chacun des

mots qui pourraient être les siens.(...)

Michèle

Malgré cette horreur mise en scène, dévoilée parfois brutalement, qui nous prend à la gorge, se dégage de ce spectacle un souffle, une respiration soutenue par les témoignages diffusés en filigrane s’invitant et se mêlant au jeu parfois insoutenable des deux actrices.

Apparaît alors l’espoir d’un autre regard sur ces crimes mis au jour, se révèle la lente réparation de part et d’autre en écho au travail des acteurs de terrain à l’oeuvre et à l’écoute quotidienne des souffrances vécues.

Les Mots de ce spectacle résonnent en chacun de nous et sont libérateurs.

« Faire un film, pour Adachi, c’est informer un regard en montrant l’espace que le cinéaste et à son tour le spectateur partage avec le tueur, afin que tous nous y construisions le lieu de notre réponse

et de notre action. Qu’est-ce qu’informer un regard ? C’est lui donner sa forme en offrant à celui à qui le film s’adresse le maximum de ressources de liberté pour qu’il construise sa place critique dans le monde qu’il a en commun avec le criminel lui-même. Pour cela, il faut déplacer le foyer brutal de ce qui a eu lieu pour faire entrer l’ampleur du cadre dans lequel se sont passées les choses et donner

accès à ce qui est invisiblement présent au coeur de l’événement. On arrive même à une conclusion paradoxale, car tout se passe comme si la violence spectaculaire du crime, le réel du fait divers, était le voile qui dissimulait sa vérité intrinsèque.

La question est bien celle de l’hospitalité, non pour donner le moindre acquiescement à un meurtre mais pour continuer à vivre dans un espace commun. Il ne s’agit pas d’exonérer les agents de la terreur de la responsabilité des délits qu’ils commettent, mais de donner au regard et à la mémoire collective une conscience solidaire et responsable du monde où l’on partage joies et chagrins, amours et haines. (…) L’image des meurtriers est intégrée à l’espace public, elle est inséparable du lieu où se rassemble le peuple, car le peuple ne peut assurer la continuité de la consistance des liens qu’en la compagnie des images qui rappellent la présence de ce qui menace ces liens eux-mêmes.»

– Marie-José Mondzain

Conception et jeu 

Laurence de Sève et Anne-Laure Lemaire

Scénographie sonore 

Vivien Trelcat

Création lumière 

Paul Galeron et Thomas Coux dit Castille

 

Extraits de textes de Vénus Khoury-Ghata, Wajdi Mouawad, Christophe Tarkos, André Breton, Jacques Roubaud.

Extraits d’interviews de personnes pédophiles abstinentes du film documentaire de Xavier Deleu, Pédophilie, de la pulsion à l’interdit (Découpages productions) et de l’émission Sur les docs, de France Culture «Territoires interdits : Prévenir la pédophilie : l’expérience de l’Ange Bleu, association organisatrice de groupes de paroles », documentaire de Céline Rouzet et Francois Teste.

 

Ce spectacle est réalisé grâce au soutien de

Simone – camp d’entraînement artistique –Fabrique de Territoire

Césaré – Centre National de création musicale

Sonopopée

La ville de Chaumont

Le Conseil départemental de Haute-Marne

La Machinerie 54 à Homécourt – scène conventionnée d’interêt national

L’espace BMK à Metz – scène conventionnée d’interêt national

Le C.R.I.A.V.S. de Champagne-Ardenne

 

In viivo remercie particulièrement Vénus Khoury-Ghata, Wajdi Mouawad,

Découpages productions et Latifa Benari.

crédits photographiques : ©Sandrine Mulas

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autour du spectacle : un nécessaire échange avec les spectateurs et spectatrices 

La société ne se raidit pas. Elle se place du côté des victimes et des dominés pour dire le droit. C’est un bouleversement complet.

– Pierre Verdrager

La teneur du spectacle engage à ne pas laisser les spectateurs repartir immédiatement après la représentation en leur offrant un sas de parole, avec la possibilité de mettre en perspective ce qui vient d’être vécu.

Pierre Verdrager*, sociologue spécialiste de la question de la pédophilie, accompagne le spectacle et anime l’échange avec le public à l’issue de la représentation, accompagné de Sylvie Vigourt-Oudart, docteure en psychologie, intervenante spécialisée auprès de victimes et d’auteurs de violences sexuelles, experte à la cour d’appel de Reims, responsable du CRIAVS-CA (centre de ressources pour les intervenants auprès d’auteurs de violences sexuelles de Champagne-Ardenne) et sa collègue, Emmeline Symphorien, juriste spécialisée en droit pénal et en sciences criminelles.

Ensemble ils reviennent sur le spectacle tout en le contextualisant : pourquoi un spectacle comme celui-ci apparait-il en 2022 ?

Faisant le lien avec le tremblement de terre qu’ont représentés les livres de Vanessa Springora autour de ce qui est devenu l’affaire Matzneff, Le Consentement, et celui de Camille Kouchner, La familia grande ils refont le chemin jusque dans les années 70-80, qui ont vu des tentatives très fortes de légitimation de la pédophilie, notamment dans les milieux intellectuels.

Ce faisant ils mettent en lumière l’importance de la prise de parole sur le sujet global des violences sexuelles et sexistes, et la nécessité de rompre le(s) silence(s) : c’est cela qui permet les prises de conscience dans la société, permet d’éviter des passages à l’acte et finit par faire bouger des lignes. Pour preuve les changements juridiques survenus depuis 2018 et tout récemment en 2021, sur la notion de consentement et la définition même du viol.

Les spectateurs sont invités au cours de l’échange à prendre la parole pour exprimer ce qu’ils souhaitent, et questionner les artistes autant que les experts.

* Pierre Verdrager est l’auteur de L’Enfant interdit et de Le grand renversement aux éditions Armand Colin.

Une journée d’action-formation pour les travailleurs sociaux et les enseignants 

Aider la société à renoncer aux monstres, c'est permettre à chacun de s'établir en lui-même pour se libérer du subi 

Nous proposons un dispositif de formation des professionnels du champs médico-social, éducatif et juridique qui prend appui sur le spectacle et se prolonge par un temps de travail et d’échange avec l’équipe du CRIAVS-CA :

 

1 - Le temps du spectateur : représentation du spectacle Les Mots étaient des loups

2 - Le temps du citoyen : échange avec le sociologue Pierre Verdrager et l’équipe du CRIAVS-CA

3 - Le temps du professionnel : formation dispensée par le CRIAVS-CA sur les violences sexuelles commises sur les enfants, de la pédosexualité à la pédocriminalité et présentation par la répondante du dispositif STOP (Service Téléphonique d’Orientation et de Prévention pour les personnes attirées sexuellement par les enfants).

 

Objectif de la formation :

Sensibiliser les professionnel.le.s à l’approche et à la prévention de la pédosexualité et de la pédocriminalité

 

Ce dispositif a été expérimenté avec succès en mai 2022 avec l’appui du Conseil Départemental de la Haute-Marne

et la ville de Chaumont auprès de 115 professionnels.

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